Au printemps 2020, après la douche froide du confinement et l'arrêt prématuré des représentations du spectacle « Room With A View » au Théâtre du Châtelet, Rone se retrouve dans une situation inédite. Éternel créatif, il bouillonne : « Cette période étrange de confinement où chacun est séparé, isolé, m'a donné envie, plus que jamais, de collaborer, d'échanger et finalement de faire un disque "collectif", qui fédère, réunit ».
C’est en échangeant avec ses amis que naît ce projet. Les premières maquettes voient naturellement le jour et l’idée d’un album de collaborations chantées commence à faire son chemin. La proximité créative avec la scène pop française et internationale a toujours été présente dans l’univers du musicien aux lunettes rondes. Et c’est paradoxalement cette période d’isolement forcée, de pause brutale dans nos vies, qui permettra à Rone de réunir des artistes qui lui sont chers.
Tout part du morceau, ‘Un’, trésor stocké dans les placards depuis un moment. On y retrouve son « vieux pote » l'auteur Alain Damasio en compagnie de Mood dans un registre érotique. La collaboration avec le maître de la science-fiction donne la couleur d’un projet décalé et éclectique. Rone invite ensuite Casper Clausen, le chanteur émérite du groupe danois Efterklang avec qui ils s’envoient des démos depuis leur rencontre au People Festival (Berlin). Il pose délicatement sa voix sur le titre ‘Human’ : « Casper est solaire ! La première fois que j’ai entendu sa voix en concert, des frissons m’ont parcouru tout le corps ». Vocodeur à l'appui, il passe le relais au spoken word de Mélissa Laveaux.
Puis, place à la poétesse post-punk Jehnny Beth, frontwoman de Savages, que Rone découvre sur scène : « J'étais scotché par l'amplitude des émotions déployées par Jehnny, allant de la douceur contenue à la déflagration de vitalité. » Après une relation épistolaire, les échanges de musique se multiplient. Rareté oblige, l'artiste chante sur ‘Et le jour commence’ pour la première fois de sa vie en français « qui est pourtant ma langue natale. Jusque- là je n'étais pas satisfaite, mais la musique de Rone m'a portée » note-t-elle.
Rone invite également Yael Naim à chanter sur ‘Solastalgia’. Il admire la voix « mystique » de cette chanteuse polyglotte, et parle déjà d’une collaboration depuis de longues années. Ce morceau est l’occasion pour lui de s’ouvrir à d’autres influences, de sortir des sentiers battus.
Pendant ce temps-là, Flavien Berger pose sa voix sur ‘Lucid Dreams’. En grand touche-à-tout, il ne peut s'empêcher de bidouiller le morceau. « C'est Gaspar Claus qui m'a fait écouter les premières démos de Flavien, se rappelle Rone. J'étais immédiatement sous le charme de son originalité et de cette personnalité décalée. Depuis, on s'est pas mal croisés sur les scènes de festivals. »
Rone approche ensuite, un personnage sacré de la chanson, Dominique A : « Ce geste absent, L’Océan, Au revoir mon amour ou Papiers froissés... Ce sont des chansons importantes pour moi ». Lors d'une émission sur France Inter, Dominique A lui glisse à propos de sa musique "c'est très beau" puis confie à un journaliste qu'il aimerait collaborer avec Rone. Dominique A se laisse guider par son instinct sur ‘A l'Errance’: « J'ai tendance à me focaliser sur la première idée, confie-t-il. La musique appelait au voyage. Et le sujet s'est révélé au fur et à mesure que j'écrivais. À la fin, on finit sur l'amour... qui est le but de l'errance, non ? »
Rone se lie avec Georgia, artiste anglaise signée sur Domino, pour le morceau ‘Waves Of Devotion’. Ce morceau phare de l’album porte la volonté d’emmener le projet vers d’autres horizons, de s’essayer à de nouveaux genres et de s’ouvrir un nouveau public.
Quant à Rone et Camélia Jordana, c'est une histoire de film et de musique. Sorti en juillet 2020, le long métrage La Nuit Venue réalisé par Frédéric Farrucci est enveloppé de plages sonores imaginées par Rone. Il se souvient encore : « Camélia est arrivée souriante et décontractée. Et quand on a commencé l'enregistrement, elle a basculé dans la chanson avec une intensité qui me rappelait Billie Holiday. »
Ami de longue date de Rone, le trio Odezenne s’est attaqué au titre phare de son dernier album, ‘Room With A View’. Ce monument harmonique accueille sans détours les nonchalants cadavres exquis des Bordelais. La mystérieuse Malibu quant à elle, pose sa voix sur ‘Faro’, titre ambient, planant et harmonique. Laura Etchegoyen, déjà présente sur l’album Mirapolis, rejoint également l’aventure avec son interprétation aérienne de ‘L’Orage’.
Le disque est clos en beauté par la diva anglaise Roya Arab, frontwoman du disque culte d’Archive Londinium. Sa voix chaleureuse illustre bien cet étonnant album où l’on se balade naturellement de la chanson à textes de Dominique A et l’électro-pop décalée de Flavien Berger jusqu’au trip-hop des années 90. C’est finalement la personnalité et la musique de Rone qui agissent comme une passerelle entre ces différents univers.
On retrouve cette joyeuse pluralité dans la pochette réalisée par Corinne "Coco" Rey, dont on peut croiser les dessins de presse dans Charlie Hebdo : les protagonistes y forment une ronde incongrue dans une ambiance aérienne et légère dansant tous dans la même direction.
Toutes ces personnalités hautes en couleurs réunies par Rone, qu’elles soient des amis de longues dates ou des rencontres plus récentes, forment un ensemble harmonieux et chaleureux. On retrouve dans ses collaborations empreinte de générosité, un refuge où se lover en ces temps difficiles. C’est une ode au partage nécessaire et un objet heureux ayant vu le jour dans cette période hors du temps.
A2 - Waves Of Devotion (Georgia)
A3 - Et le jour Commence (Jehnny Beth)
A4 - À l’Errance (Dominique A)
A5 - L’Orage (Laura Etchegoyhen)
A6 - Un (Alain Damasio & Mood)
B1 - Polichinelle (Flavien Berger)
B2 - Breathe In (Yael Naim)
B3 - Faro (Malibu)
B4 - La Nuit Venue (Camélia Jordana)
B5 - Closer (Casper Clausen & Mélissa Laveaux)
B6 - Twenty 20 (Roya Arab)