La Battue

La Battue

Certains artistes semblent porter en eux le secret de la liesse contagieuse et de la grâce conquérante. À ce petit jeu, La Battue s’en sort haut la main. Après trois EP remarqués (Search Party, 2019 ; Get set, go !, 2021 ; In the attic, 2022), ces émules de Local Natives ou Phoenix sortent enfin le premier album, Farrago (Parapente). Moisson des espoirs semés depuis 2018, le disque fait entendre, au-delà des harmonies vocales, l’élégance fusionnelle d’un trio qui a su imposer en dix titres sa sophistication radieuse et sans esbroufe.

En front de scène, Ellie James et Yurie Hu, sœurs de chœur, mêlent leur voix aux claviers, tandis que Bertrand, frère d’Ellie, impulse le rythme à la batterie. Ellie et Bertrand sont franco-anglais, enfants d’un ingé-son et d’une choriste. Yurie a grandi en Corée du sud avant de se former à l’école de jazz de Tours. Bertrand a joué entre autres dans Totorro, Yurie dans Yacht Club, Ellie collabore toujours à Mermonte, ces différentes expériences atteignant ici leur point d’incandescence. Installée à Rennes, cette famille recomposée déploie son imaginaire qui puise autant chez les Beach boys que chez Steve Reich, s’empare de l’électro pour lui extirper sa quintessence organique, travaille les jeux d’échos et la limpidité mélodique.

Après la synth-pop DIY des débuts, consacrée par une finale des Inouïs du Printemps de Bourges ou du prix Ricard Live en 2021, La Battue gagne encore du galon avec cet album, odyssée électrisante qui nous invite à célébrer les victoires minuscules (« Little joys »), à (sur)prendre le monde de vitesse (« Second Gear »), à mener une révolution au saut du lit (« Five to nine ») et à vaincre les silences qui rongent (« Higher »). Écrit et chanté en français, le morceau « 1/100 » aborde quant à lui avec finesse la réalité des féminicides, témoignant d’un engagement fort derrière la légèreté de façade.

Les titres de Farrago ont été enregistrés et produits dans le Sud-Ouest de la France par Benoît Bel (studio Mikrokosm), qui leur a insufflé cette étoffe singulière, où la puissance sonore magnifie l’épure de la composition. On croise parfois l’ombre planante de Para One ou les acmés symphoniques de Grizzly Bear, avec des voix hissées en majesté et une farouche générosité pop. « Try to see the light in me » (« Essaie de voir la lumière en moi ») clame le premier morceau de l’album. Dès la première écoute, c’est tout vu.

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