Il est de retour, le partenaire loyal de nos mélancoliques soirées d'introspection. L'onirisme doux-amer qui se dégage de la musique de Julien Pras trouve son inspiration dans une littérature anglophone constellée de songe et de fantaisie.
Tandis que ses accords décrivent une nécessaire évasion, sa voix aérienne se réfugie dans un cocon de spleen.
Personnage discret et authentique de la scène indé pop bordelaise, Julien Pras s'est illustré en officiant au sein de Pull, Calc ou encore Victory Hall. Il tient aujourd'hui le rôle de chanteur-guitariste dans le trio heavy rock Mars Red Sky.
C'est en 2010 que débute sa véritable carrière solo avec la sortie de Southern Kind Of Slang, son tout premier album. A l'image des plus talentueux songwriters Nord-américains tels que Elliott Smith, Sean Lennon ou encore Brian Wilson, le Bordelais livre un album parfaitement ciselé, où la tristesse est sublimée par de touchantes ballades, de subtils arrangements.
Enveloppé de langueur et de mystère, Shady Hollow Circus sort trois ans plus tard. Son titre est emprunté au quartier dans lequel il a vécu étant enfant, aux Etats-Unis. Ce grand pays de la liberté d'expression demeure pour Julien Pras un pont réconfortant vers son propre univers : la folk psyché.
L'album Wintershed est né en hiver, alors que le chauffage ne fonctionne plus et que le froid oblige le guitariste à faire de nombreuses pauses pour se réchauffer les doigts. Avec Leonard Brémond, Julien Pras construit un ensemble organique, naturel et pur : « on a volontairement laissé des bruits de pièces, résonances naturelles ou autre, s'inviter dans l'ensemble, sans vouloir tout nettoyer et aseptiser. »
En guest sur la plupart des titres, Helen Ferguson (qui faisait déjà les chœurs sur Shady Hollow Circus) pose une voix cristalline sur le projet. Elle chante sur la plupart des titres, dont « Horses In Disguise » qui est enregistré en face à face, les deux voix étant captées simultanément.
Entre deux sessions d’enregistrement avec Leonard Brémond, Julien Pras peaufine ses arrangements. Les voix chorales de « Charles House Infirmary » et de « Shallow Grooves » sont le résultat d’un travail intimiste, réalisé dans le petit studio de l’artiste lui-même. C’est ainsi qu’il choisit d’insérer du piano et des chœurs sur « Hired Mourners ».
Wintershed est la pertinente contraction des mots anglais « winter » et « shed », qui signifient un abri pour l'hiver, une cabane. Ils peuvent aussi devenir un détournement de l'existant « watershed » : le tournant, le point décisif. Criant aperçu des possibilités poétiques de Julien Pras, le titre de ce troisième album dévoile une carte plus personnelle, jugulant quelque peu son étrange cas de schizophrénie artistique. L'artwork pensé par Ita Duclair évoque avec précision cette ambivalence du merveilleux et de la cruauté, cette magnificence du paradoxe.
Nous le retrouvons ici posé, exprimant avec générosité son amour pour la folk et ses arrangements, ainsi que son goût pour les harmonies qui ne l'a jamais quitté depuis que, sur les bancs de l'école, il s'était mis en tête de décortiquer les secrets des chansons des Beach Boys ! Certains songwriters regardent dans le rétroviseur. Julien Pras regarde dans un miroir baroque à peine fêlé.