Ninanda
Comme dans toutes les bonnes histoires, il y a une part de hasard. Tout a commencé en 2020 lorsqu’à peine majeures, elles se sont rencontrées au Centre des Musiques Didier Lockwood. Ou plus exactement sur le palier qu’elles partagent, étant voisines. Forcément ça créé des liens, et très vite la pianiste Nina Gat et la batteuse Ananda Brandão vont se rapprocher, notamment par le chant, testant auprès d’autres le mélange harmonieux de leurs voix. Jusqu’à ce qu’elles décident moins de deux ans plus tard de créer leur propre duo. Une première vidéo postée sur les réseaux est plutôt du genre bien vue, tout comme l’EP qui suit reçoit un bon accueil.
Plus de doute possible, cela sonne comme une évidence :elles étaient faites pour s’entendre. « Avec Ananda nous partageons beaucoup d'influences, dans le jazz – Shai Maestro, Brian Blade, Aaron Parks... – comme dans la folk/pop/funk/rock : Sufjan Stevens, Nick Drake, Michael Jackson, Arctic Monkeys,... Et surtout nous nous retrouvons dans l’actuel courant alternatif du jazz avec des musiciens qui explorent des nouveaux chemins, comme Louis Cole ou Sam Wilkes. Ce sont les bases communes sur lequel se construit l'esthétique du groupe, qui tend vers un jazz moderne accessible, simple, et sensible, mélangé aux touches de chanson et sonorités pop/folk dans la voix et les arrangements », analyse Nina. Tout à fait raccord, Ananda ajoute : « Si nous avons beaucoup de similitudes, chacune est portée par une folk différente. Nous n’avons pas un rôle déterminé, c’est une association plus souple, plus libre. »
Avant d’en arriver à cette fusion de leur prénom sous une seule entité, l’une comme l’autre ont été biberonnées de musiques. Ananda, née à Paris en 2000, a ainsi grandi auprès d’un père flûtiste, prof au CNSM Lyon, disciple de l’immense Chaurasia et ayant pratiqué avec Jordi Savall, et d’une mère, violoniste reconvertie dans la musicothérapie, dont elle a hérité une « grosse attirance pour la musique brésilienne, ma mère étant originaire de Curitiba ». Voilà sans doute pourquoi, après avoir tâté des claviers Ananda se mettra bien tôt aux baguettes, en autodidacte, avant de passer par le Conservatoire de Verrières le Buisson, le CRR de Versaille et enfin le CMDL, où le batteur André Charlier fera office de mentor. Quant à Nina, elle aussi de la génération 2.0, elle a été sevrée des Beatles et puis de Bach, deux références majuscules de son père, le chorégraphe Emanuel Gat. Il y aura plus tard Bill Evans, pour la jeune Israélienne débarquée en France en 2007 non loin d’Istres. « C’est à ce moment-là que je me suis mis au piano : au conservatoire d’Aix, puis à l’IMFP à Salon. » L’histoire s’accélèrera quand un an après s’être installée en région parisienne, elle va croiser la route d’Ananda.
Plus qu’une simple paire de complémentaires, on peut parler de quartet majeur, tant le guitariste Maxime Boyer et le contrebassiste Mathieu Scala, tous deux aussi issus du CMDL et présents depuis leur premier concert, une carte blanche en juin 2023 au 38 RIV jazz club, ont toute leur place dans leur univers, y apportant leur part d’inspirations. « On dit souvent en rigolant que Max c'est "notre sax", puisqu'il a une capacité de générer pendant ses solos et thèmes de l'énergie si puissante dans le discours et dans le son, qu'on associerait souvent aux saxophonistes dans le jazz. Il maîtrise rapidement tout ce qu'on lui demande de jouer jusqu'au moindre détail, en y ajoutant une couleur magnifique et un caractère charismatique. Et Mathieu, en plus de son jeu impeccablement fiable et toujours créatif, apporte une vision globale et du recul nécessaire au processus d'arrangement/orchestration », résume Nina.
Science de la nuance et sens du jeu collectif ont ainsi permis d’aboutir cet initial disque, qui fait suite à leur premier prix au tremplin de Jazz à Vienne à l’été 2024. Soit dix compositions, écrites à part égale ou presque, entre l’une et l’autre, entre les teintes nostalgiques et les climats cinématiques. On songe au formidable Clube da Esquina, pierre angulaire des frères Borgès et Milton Nascimento, aux ambiances crépusculaires qui divergent du mainstream. « Avec Nina nous avons développé une écriture complémentaire : chacune composant de son côté, mais on se fait confiance sur l’homogénéité de nos deux écritures. »
Sans hausser le ton, elles y affirment une version tout à fait originale du jazz, au prisme d’une folk classieuse. Emblématique, l’ultime thème qui donne son titre à ce recueil, composé juste avant d’entrer en studio par Nina, alors en prise à des doutes. « En parlant avec mon père, il m’a réconforté : "Find a place where you trust 100% your inner voice, and let it take you and guide you." Le soir même, j'ai écrit ce morceau, baptisé "A Place Where" afin de rendre hommage à cet espace intérieur où en tant qu'artiste on se fait confiance, sans prendre en compte des avis extérieurs. Avec Ananda, on s'est dit qu'en terme d'esthétique et de signification ce serait un bon titre générique. » Et cette dernière d’ajouter qu’après cet enregistrement, elle a « la sensation d’avoir fait de grands pas en avant ». Comme le sentiment d’être au début d’une longue histoire ? « Que ce soit humainement ou musicalement, entre moi et Ananda il y a une connexion forte, et on se voit bien jouer encore ensemble dans vingt ans. »
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